2018 est charnière pour notre système énergétique, avant la fin de l’année, une trajectoire doit être définie tant pour le court et moyen terme (la PPE, Programmation Pluriannuelle de l’Energie sur 2019-2023) que pour le long terme (la SNBC, la Stratégie Nationale Bas Carbone à l’horizon 2050). L’association NégaWatt a publié une note qui se concentre sur trois des points essentiels de la transition énergétique : la rénovation énergétique du bâtiment, la mobilité des personnes et du fret, et l’équilibre du système électrique, intégrant la demande et l’ensemble de l’offre, dont le nucléaire et les renouvelables. Pour l’association, beaucoup d’intentions sont positives, le plus souvent sur les objectifs à long terme. Plusieurs points sont très contestables ou insuffisants. Les objectifs ne pourront être atteints si ces points ne sont pas revus. Pire, certains peuvent être les moteurs d’une désastreuse spirale d’échec.

La consommation du bâtiment a deux composantes : la chaleur et l’électricité dédiée aux usages spécifiques (électroménager, éclairage, etc.). Pour cette dernière, tous les scénarios publiés, que ce soient ceux de la SNBC ou ceux de RTE, sont terriblement peu imaginatifs en matière de maîtrise de la demande d’électricité : ils atteignent à peine la moitié des économies proposées dans le scénario négaWatt. Concernant la chaleur, le Plan de Rénovation publié fin avril par le gouvernement s’est fixé les bons objectifs : atteinte de la neutralité carbone en 2050, rénovation de l’ensemble du parc de logements au niveau BBC en 2050, réduction de 15% de la consommation d’énergie finale du bâtiment en 2023 par rapport à 2010. Parallèlement, les exercices de prospective conduits par RTE ou par la DGEC dans le cadre de la SNBC sont tous construits, pour la partie chaleur, sur des niveaux de consommation à la baisse, proches de ceux du scénario négaWatt en 2050.

Le plan de rénovation proposé par le gouvernement présente plusieurs aspects plutôt positifs : il considère la sobriété comme essentielle, il ouvre discrètement la porte à la rénovation complète et performante – à laquelle il fait de nombreuses allusions
– il envisage avec la BEI la possibilité de prêts de très longue durée dédiés à la rénovation, il veut promouvoir l’auto rénovation, et il semble vouloir aménager les conditions de financement de la rénovation en logement social.
Néanmoins, ce plan commet deux erreurs majeures qui vont lui coûter sa réussite :
– toute sa stratégie est construite sur l’incitation à rénover. Or un récent benchmark de la rénovation en Europe montre que tous les pays ont jusqu’à présent fonctionné par incitation, ce qui n’a permis à aucun d’eux de rénover plus de 3 % de ce qu’il devrait rénover annuellement. Autant dire rien. L’incitation conduit donc à un échec assuré. Il faut s’en convaincre et en sortir au plus vite ;
– la rénovation n’est pour l’instant envisagée que par étapes et jamais en une seule fois, ce qui conduit de façon récurrente à des coûts beaucoup plus élevés, des économies très réduites, de nombreuses pathologies et une quasi-impossibilité à la financer.

L’Association négaWatt propose à l’État une stratégie menant de front la capitalisation de tout ce qui peut être immédiatement rénové parce qu’il existe peu de freins et la mise en place des outils qui permettront la rénovation de masse, à savoir la rénovation de 700 000 logements/an au niveau BBC.