Avec le label E+ C-, l’État a engagé une expérimentation dans la construction neuve. Expérimentation dans laquelle la limitation de l’impact carbone est devenue, avec l’énergie, prioritaire. Mais quid de la rénovation des bâtiments existants dont on sait que c’est par eux que l’on atteindra les objectifs de limitation des gaz à effet de serre et d’économie d’énergie ? La question est complexe, d’autant plus que l’on a déjà du mal à massifier la rénovation sur une base BBC. Début de réponse avec quatre experts et deux exemples de rénovation.

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Les clés pour rénover bas carbone et basse énergie

L’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 ne pourra pas se faire sans la rénovation massive du parc immobilier existant. Un enjeu majeur auquel il n’est pas simple de répondre, surtout si l’on souhaite, comme dans le neuf, rénover E+ C-. [/vc_column_text][vc_row][vc_column width= »1/2″][vc_column_text]

Si la construction de bâtiments à haute performance énergétique et environnementale est une nécessité, c’est cependant dans le secteur de la rénovation que se trouve l’enjeu majeur de la réduction des impacts environnementaux qui permettront, on l’espère, d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Dans le neuf, c’est l’expérimentation E+ C- qui préfigure la prochaine réglementation et qui porte le secteur vers la haute qualité environnementale. Dans l’ancien, pas de réglementation de ce type pour le moment. Mais il n’est pas interdit de poser la question de la rénovation E+ C-. Car si cette démarche, dans le neuf, est vraiment intéressante, notamment sur le plan de l’expérimentation, appliquer ce principe à la réglementation n’est pas une hérésie. Avec toutes les précautions d’usage que prennent quasiment tous les acteurs qui s’expriment sur le sujet – ne pas casser un marché déjà difficile –, car rappelons qu’à ce jour les objectifs de rénovation énergétique des bâtiments ne sont pas atteints. Les bâtiments à rénover, de fait, ont déjà été construits. Une lapalissade, mais sur le plan de l’impact carbone, cela aura son importance. En effet, plus on conserve l’existant, plus on réemploie les matériaux, plus on traite les déchets et plus on les recycle, moins l’impact carbone de la rénovation sera important. C’est la base.

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Réemploi, recyclage et valorisation

Ainsi, de nombreuses expérimentations sont en cours sur le réemploi et/ou le traitement des déchets. Cette approche de type « économie circulaire » est vertueuse à plus d’un titre car elle présente le double avantage de soutenir l’économie locale et de s’intéresser au recyclage, à la valorisation et à la réutilisation des déchets de façon à économiser l’énergie et à décarboner autant que possible la croissance. Une fois ce travail réalisé, c’est l’enveloppe qui sera l’objet de toutes les attentions. Les premières études et les retours d’expérience E+ C- dans le neuf montrent qu’il est possible de diminuer de façon très importante l’impact énergie et carbone en renforçant l’enveloppe du bâtiment pour limiter les besoins en énergie. Mais le risque en cherchant à renforcer l’enveloppe est le recours à davantage de matières (triple vitrage systématique, augmentation de l’épaisseur des murs…), ce qui, par ricochet, peut dégrader le bilan carbone du bâtiment.

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Trois leviers pour réduire l’impact matériaux

Trois leviers au moins permettent de réduire cet impact en plus du réemploi des matériaux (voir plus haut) : une conception bioclimatique, une économie de matériau (le bon matériau au bon endroit), l’utilisation de produits et systèmes bas carbone biosourcés qui privilégient les circuits courts. Sachant que, dans ce cas, l’effet stockage du carbone a lieu en totalité dès la construction ou la rénovation du bâtiment et répond au caractère d’urgence du changement climatique. Sur le plan des consommations d’énergies, le travail sur l’enveloppe va entraîner mécaniquement une baisse des consommations, mais cela n’est pas suffisant. Pour être performant, il est indispensable de s’intéresser à tous les usages et de travailler l’exploitation du bâtiment avec des énergies peu carbonées, ENR ou de récupération, et en autoconsommation. Dernier point qui a son importance : gagner la confiance des maîtres d’ouvrage et investisseurs. Sur ce plan, le retour d’expérience montre que si il est possible d’aller loin en recourant davantage à des matériaux biosourcés, les investisseurs, notamment dans le secteur tertiaire, sont encore frileux sur ce sujet ; il semblerait que cela soit plus facile dans le logement.

Stéphane Miget

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Angélique Sage, chargée de mission technique chez Effinergie*

« L’idée n’est pas de brusquer, mais de réussir à accompagner. »

« Nous élaborons des labels de performances pour amener les professionnels à aller plus loin. Mais nous avons aussi conscience que les bâtiments, neufs ou en rénovation, sont construits par des intervenants pour des usagers et que ces paramètres entrent en ligne de compte. L’idée n’est pas de brusquer, mais de réussir vraiment à les accompagner. Car, aujourd’hui, le problème n’est pas technique – du côté des équipements et de l’énergie, nous savons faire et l’impact positif est immédiat sur les bilans énergie et carbone –, mais dans notre difficulté à massifier la rénovation énergétique. Il faut donc y être attentif, ne pas opposer énergie et carbone et ne pas complexifier davantage. Ainsi, il semble pertinent de se concentrer sur un élément qui a un poids considérable en rénovation et qui est relativement facile et accessible : le travail sur l’exploitation du bâtiment. »

* Effinergie a mis en place le label BBC Rénovation depuis 2009 et lancé en février 2019 l’expérimentation du label Effinergie Patrimoine.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column width= »1/4″][vc_single_image image= »21774″ img_size= »large » add_caption= »yes » alignment= »center »][/vc_column][vc_column width= »3/4″][vc_column_text]

Hélène Genin, déléguée générale de l’association BBCA*.

« Les émissions issues des matériaux peuvent représenter 40 à 10 % de l’empreinte carbone du bâtiment. »

« Tout l’enjeu est d’embarquer la rénovation dans la démarche bas carbone, d’appliquer une vision carbone sur l’énergie (+ ou – carbonée) et de regarder ce qui se passe au niveau des matériaux. Car lors d’une rénovation, les émissions issues de ces derniers peuvent représenter 40 à 10% de l’empreinte carbone du bâtiment, selon qu’il s’agisse d’une rénovation lourde ou thermique, ce qui est loin d’être négligeable. Et attention, il ne faut pas que la réduction des consommations énergétiques se fasse en augmentant considérablement l’impact carbone parce que des matériaux vont être ajoutés pour diminuer lesdites consommations. Pour faire baisser la part des émissions liées aux matériaux, trois aspects, décrits dans la méthode BBCA Rénovation, sont fondamentaux : la conservation de l’existant, en particulier, du gros œuvre, la valorisation en limitant la dépose prématurée de certains d’entre eux, soit une démarche de réduction des déchets, et l’utilisation de produits bas carbone parmi lesquels les biosourcés qui, eux, stockent le carbone. »

* Le label BBCA Rénovation a été lancé le 15 octobre 2018.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column width= »1/4″][vc_single_image image= »21775″ img_size= »large » add_caption= »yes » alignment= »center »][/vc_column][vc_column width= »3/4″][vc_column_text]

Marc Campési, dirigeant de Diagonale Concept

« Expliquer les objectifs finaux et leur raison d’être. »

« La volonté est là, les techniques et les référentiels aussi. Le savoir-faire, la motivation, voire l’audace, font souvent défaut. Dans le neuf ou en rénovation, le développement des projets bas carbone devra passer par la formation et la sensibilisation aux enjeux du bâtiment durable des acteurs de terrain et des investisseurs en recherche d’éthique. Il est louable de motiver les bâtisseurs, de donner du sens à leur travail, et il est urgent d’imaginer des modèles constructifs vertueux tant du point de vue économique, social qu’environnemental. Les notions de bas carbone ou d’analyse du cycle de vie sont encore éloignées de la réalité des chantiers. L’une de nos actions spécifiques de terrain consiste à former et à sensibiliser à ces enjeux les cadres et le personnel des entreprises. Ils sont en prise avec la matière. Ils sont réceptifs à ces échanges et très souvent force de proposition. Ces actions in situ sont capitales pour atteindre un niveau de performances élevé particulièrement en rénovation. Expliquer les objectifs finaux et leur raison d’être ou leur légitimité permet à chacun de se projeter plus loin. La réhabilitation performante est un enjeu environnemental et économique considérable et, surtout, une opportunité pour les hommes de se réapproprier un peu leur avenir. »[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column width= »1/4″][vc_single_image image= »21776″ img_size= »large » add_caption= »yes » alignment= »center »][/vc_column][vc_column width= »3/4″][vc_column_text]

Marie-Soriya Ao, déléguée générale cluster Éco-Énergies

« C’est une nouvelle philosophie. Il faut arrêter de dire : “On rase tout”. »

« Pour rénover E+ C-, il faut prendre de la hauteur et s’intéresser à la globalité du bâtiment. Nous avons plusieurs fois travaillé sur ces questions : faut-il raser ? Réhabiliter ? Si l’on reconstruit, que fait-on des matériaux déjà présents ? Y a-t-il une possibilité de les réutiliser ? C’est une nouvelle philosophie. Il faut arrêter de dire : “On rase tout et advienne que pourra“, sans prendre en compte l’aspect carbone qui devient essentiel. Parallèlement, il convient de veiller à ne pas casser le marché. Il faut donc que chaque projet soit écologiquement et durablement réalisable, mais sans oublier la partie économie du marché. Il est donc nécessaire qu’économiquement parlant, le chantier soit finançable. Placer la barre trop haut pourrait le bloquer. »[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]