La plupart des modèles actuels prédisent un impact limité du changement climatique sur les capacités de stockage du carbone des forêts tropicales. Toutefois, de nouveaux résultats obtenus par des chercheurs du Cirad contredisent ces prédictions optimistes. Publiés dans la revue Journal of Ecology, ils révèlent que les modifications climatiques, en favorisant des espèces d’arbres plus petites, pourraient au contraire altérer le rôle de puits de carbone joué par les écosystèmes forestiers tropicaux. À l’heure actuelle, les forêts tropicales constituent des puits de carbone particulièrement efficaces. On considère qu’elles stockent près de 40 % du carbone terrestre (en incluant à la fois biomasse végétale et sol). Ghislain Vieilledent, chercheur au Cirad, et ses collaborateurs ont choisi d’évaluer les effets du changement climatique sur les capacités de stockage des forêts tropicales de Madagascar via l’emploi de « modèles d’enveloppe bioclimatique ». Leurs prédictions indiquent que la diminution de la durée de la saison de végétation, l’augmentation de la température moyenne annuelle (+3,7 °C) et la diminution des précipitations annuelles (-107 mm) pourraient conduire à une diminution de 17 % (certaines prédictions allant jusqu’à 24 %) du stock de carbone forestier d’ici à 2080. Ces modifications climatiques favoriseraient en effet les arbres et les espèces de plus petite taille, dont la capacité de stockage est moindre. L’étude identifie également des points de basculement : au-dessus d’une température moyenne annuelle de 21 °C et en-dessous de 1 100 mm de précipitations par an, le stock de carbone des forêts tropicales humides pourrait s’effondrer. Plus grave : ces résultats révèlent aussi que les forêts pourraient devenir émettrices de CO2, et contribuer ainsi à l’accélération du changement climatique. On assisterait alors à un emballement du phénomène.
« Dans un monde toujours plus chaud et plus sec, il y a un risque que les forêts tropicales humides que nous connaissons aujourd’hui finissent par ressembler davantage à des savanes arborées qu’à des forêts impénétrables , conclut Ghislain Vieilledent. Il est donc essentiel non seulement de conserver les forêts tropicales, mais aussi de réduire au plus vite les émissions de CO2 à la source ».
Photo : la forêt tropicale humide de la Montagne d’Ambre, à Madagascar, devrait être fortement impactée par le changement climatique : les stocks de carbone forestiers devraient diminuer sous l’effet de l’augmentation de la température et la diminution des précipitations © G. Vieilledent / Cirad