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« La rénovation demande compétence et expertise, et les architectes, en tant que généralistes, se positionnent au mieux. »

François Liermann, gérant de Panoptique Architectes, président du conseil régional de l’ordre des architectes du Grand-Est, est intervenu en septembre dernier lors de la 9e édition du Congrès international du bâtiment durable « To build or not to build ». Un rappel salutaire de la place de l’architecte dans les opérations de rénovation énergétique.

Quelle est la place de l’architecte dans les opérations de rénovation énergétique?

François Liermann – Malheureusement et paradoxalement, les architectes sont peu sollicités. Ce sont essentiellement les entreprises et les artisans, prescripteurs de leur lot, qui le sont. Résultat : les rénovations globales et performantes sont rares, réduisant d’autant le potentiel d’économies d’énergie que ce type de rénovation est susceptible d’atteindre. Cet état de fait génère aussi, comme le constate régulièrement l’Agence Qualité Contruction, des problèmes de pathologies et de salubrité des bâtiments : absence de ventilation, moisissures, condensation, etc. La boucle n’est pas vertueuse.

Quelle serait la solution pour qu’elle le soit?

Au niveau de l’ordre des architectes, nous militons légitimement pour prendre notre place dans le processus. La rénovation demande compétence et expertise, et les architectes, en tant que généralistes, se positionnent au mieux. Or les dispositifs d’aides à la rénovation énergétique mis en place par les gouvernements successifs n’intègrent pas la maîtrise d’œuvre, ce qui est une erreur manifeste.

Cela signifie-t-il que les architectes doivent s’inscrire dans des processus tels que le programme Faire (Faciliter, accompagner et informer pour la rénovation énergétique)?

Oui, mais l’héritage des anciennes plates-formes énergie, où l’on ne parle que de résistance thermique, est encore très prégnant… Pourtant, nous avons des consœurs et confrères très expérimentés sur le plan local depuis longtemps, et Faire, c’est purement du local. C’est au moment des diagnostics et des premiers conseils que le conseiller Faire doit évoquer un besoin de maîtrise d’œuvre, ne serait-ce que pour respecter la loi lorsqu’il y a demande préalable et a fortiori besoin de permis de construire. De même, le diagnostic n’est souvent qu’énergétique, alors qu’il devrait être également patrimonial. Les bâtiments et maisons anciennes souffrent aussi de leur âge. Dès lors, comment les soigner et les transformer? Le seul diagnostic thermique ne suffit pas pour répondre à ces questions. Il est donc essentiel d’inclure dans les diagnostics initiaux le spectre patrimonial et la vision de l’architecte : état des lieux, état de la structure, reconnaissance des matériaux, et bien sûr amélioration des espaces et du fonctionnement, besoins de confort… C’est la garantie d’un projet efficace sur le long terme, en performance, en valeur vénale et en usage.

Pouvez-vous donner un exemple?

Les bourgs et les villages abritent nombre d’espaces vacants; je pense notamment aux anciennes fermes, habitations et granges. La question est de savoir comment les transformer avant qu’il ne soit trop tard. Ce qui impose une réflexion en termes d’étude de faisabilité, de mixité d’usage, de partage des lieux, de cofinancements… On peut imaginer y créer, par exemple, un logement accessible pour une personne âgée, d’autres logements dans la maison, mais aussi des espaces de travail dans les granges… et c’est là qu’un acte d’architecture est indispensable pour apporter de la cohérence.

Vous parlez aussi de responsabilité…

Depuis dix ou quinze ans de pratiques délicates ou incomplètes uniquement centrées sur la performance énergétique, nous constatons de nombreuses pathologies et défigurations patrimoniales. Se pose alors la question de la responsabilité. L’architecte peut apporter un service complet au client, avec des responsabilités assumées et comprises. Il organise le travail, les appels d’offres concurrentiels, les compétences, et il est formé pour éviter ces pathologies et les atteintes aux paysages tant urbains que naturels.

Aujourd’hui émerge la problématique du confort d’été. Quel est le rôle de l’architecte dans sa prise en compte?

Il est essentiel. L’architecture vernaculaire, ou plus récemment celle appelée « bioclimatique », a toujours pris en compte les microclimats. Mais, malheureusement, depuis cinq ou six décennies, nous en avons oublié la fonction et la force, car l’énergie abondante et accessible venait compenser les défauts de conception. En neuf comme en rénovation, le microclimat doit inspirer l’architecture, et non l’inverse. La connaissance du climat doit être remise au goût du jour pour économiser l’énergie et améliorer le confort. C’est aussi une façon de s’ancrer sur son territoire. Aujourd’hui, le problème réside dans le changement climatique en été, voire déjà à l’intersaison. Changement qui entraîne, de manière très rapide et très forte, des conséquences sur le confort, lorsque le bâtiment est mal conçu, mal orienté, etc.  Nous devons donc repérer tous ces risques d’inconfort, notamment sous les combles et en façades ouest. Des aspects que les architectes maîtrisent très bien et savent traiter.

Écorénovation de bâti ancien dans les Vosges. Photo : Panoptique Architectes

Pouvez-vous donner des exemples de bonnes pratiques dans le cadre d’une rénovation?

Les protections solaires et les volets sont souvent remplacés par des volets roulants qui, lorsqu’ils sont fermés, empêchent de ventiler. Pour éviter les problèmes engendrés par le manque de ventilation, il est préférable de prévoir des volets à jalousie, avec des lamelles qui permettent de ventiler l’été, de faire de l’ombre sur le vitrage, tout en laissant la fenêtre ouverte la nuit. Ainsi, l’air frais circule la nuit et vient ventiler de façon traversante le logement. Il est recommandé également de conserver de l’inertie à l’intérieur des bâtiments en évitant de doubler avec des systèmes plaque de plâtre et isolation par l’intérieur, qui détruisent le gisement de stockage de calories ou de frigories. Il convient aussi de beaucoup isoler la toiture ou les combles, pour avoir une protection par le haut, car la toiture est « la façade » qui reçoit le plus d’énergie solaire en été. Il ne faut surtout pas non plus se priver du renfort de la végétation : les plantes à feuilles caduques apporteront une excellente protection solaire en été, mais pas en hiver.

Propos recueillis par Stéphane Miget

Boulangerie bio Turlupain à Sallès (67). « Il y a aussi des messages  à passer en construction neuve, dans le sens de l’installation d’artisans de qualité dans les contrées reculées, en tant qu’apport de richesses et de dynamisme local, voire de création d’emplois. »

Cet article est extrait de Planète Bâtiment n°67 > Consulter la version numérique <

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